mardi 10 octobre 2017

Amourette parfumée au basilic

Quand G. a parlé à son père du projet Fleurs d’exils, Mohammad, habitant du onzième arrondissement de Paris, a tout de suite pensé au basilic iranien qui "-—à la différence de celui qui pousse en France en laissant retomber ses feuilles— tend les siennes vers le ciel". 
Il ne dit pas si son parfum embaumait le jardin de son enfance en Iran ; mais en évoquant cette aromatique légèrement citronnée, il respire celui de son adolescence.

Téhéran, 1960

Nous vivions dans une maison avec un grand jardin dans le quartier populaire de Téhéran, avec mes parents et mes frères et soeurs. Un grand mur nous séparait de chez la voisine, une femme de 55 ans, divorcée, qui avait une fille : Lili, cette belle jeune fille à la chevelure blonde… 
Ah Lili ! tout le monde était amoureux d’elle dans le quartier ! Du haut de mes 14 ans, je grimpais sur ce mur qui nous séparait pour l’observer et pour attirer son attention ; on s’aimait beaucoup ! Mais un jour, sa mère nous a surpris ! Elle est venue chez nous avec sa sœur pour se plaindre de moi auprès de mes parents. A la minute où j’ai compris que c’était elle qui toquait chez nous, je suis allé me réfugier dans ma chambre. 

Ma mère, Shahzadeh (Princesse en persan) ouvrit la porte. Heureusement, mon père n’était pas là… Vous imaginez : le fils de l’Ayatollah (un Ayatollah est un grand chef religieux en Iran) qui drague la voisine ?!
Comme je le disais, ma mère accueillit sa mère chez nous, lui offrit du thé à elle et à sa sœur, tout en écoutant leurs plaintes. De sa diplomatie la plus totale, elle réussit à les calmer en leur expliquant qu’elle allait me punir. C’est ainsi qu’elle vint me voir, une fois les voisines parties, pour me dire calmement, mais fermement, de ne plus recommencer. 


Je n’ai plus revu Lili, car au fond de moi je ne voulais pas décevoir ma mère : cette femme incroyable que j’admirais et que j’admire encore plus que tout. "

Etonnant hasard que l'arrivée de ce témoignage hier : lorsque nous démarrions ce projet Fleurs d'exils, nous parlions de l'album jeunesse de Chiara Mezzalama Le Jardin du dedans-dehors, qui raconte lui aussi l'histoire d'une fillette et d'un petit garçon, dans un jardin de Téhéran, à une autre époque. 
Si vous l'avez manquée fin septembre au jardin, Chiara revient jeudi 19 octobre à la librairie La Tête ailleurs.





vendredi 6 octobre 2017

Une Vénus sur la tourbe (Dionée - Amérique du nord)



« C’est la plante que j’ai découverte quand j’étais petit, avec mon papa, durant une fête de jardin. J’ai été captivé par le mouvement de la feuille capable d’attirer, de piéger et de digérer les insectes. (…) une merveilleuse adaptation à son sol… ». Extrait du témoignage de A., écrit librement sur un cahier qui circulait dans le Jardin partagé Truillot pendant la Fête des jardins et de l’agriculture urbaine.


Fascinante dionée. Tellement belle que ce poète de Von Linné qui en fit le premier la description en 1770, l’avait appelée Vénus attrape-mouche. Ce sera finalement Dionée, mère d’Aphrodite qui l’emportera, l’Histoire ayant bien souvent confondu la mère et la fille. 

Déesse primitive grecque, Dionée était pourtant bien mère d’Aphrodite et parèdre de Zeus (en grec, Dionée est le féminin de Zeus), du moins si l’on en croit Homère. 
Au chant V de l’Iliade en effet, Vénus, qui vient d’être blessée par Diomède, s’en va supplier son frère de l’aider à regagner l’Olympe.
« [363] Mars lui donne aussitôt ses coursiers magnifiques. La déesse monte sur le char et son cœur est rempli de tristesse ; Iris se place à ses côtés, saisit les rênes brillantes et du fouet, elle excite les chevaux qui s'envolent avec ardeur. Vénus et Iris entrent dans le vaste Olympe, demeure des dieux fortunés. Iris, plus légère que le vent, arrête les coursiers, les détache du char et leur donne une nourriture divine. La belle Vénus tombe aux pieds de sa mère, Dionée, qui entoure de ses bras sa fille chérie, la caresse de la main et lui dit : 
[373] « O ma fille, qui donc, parmi les habitants des cieux, a osé te traiter avec autant d’outrage et te punir ainsi que si tu avais commis quelque crime aux yeux de tous ? »

Mais, excusez-moi, voilà que je m’égare. 
La faute aux botanistes du XVIIIe siècle et à cette poésie qu’ils mettaient à nommer les plantes.

Revenons donc à notre dionée, la plus connue des plantes carnivores. 



En Caroline du Nord — où elle vit encore à l’état sauvage —, la dionée attrape-mouche pose sur les sols de tourbe des petits coussins qui virent du vert à l'écarlate en passant par l'orangé. Au premiers jours de printemps, elle se pare de petites fleurs blanches qui se dressent dans le vent.
Mais cette beauté est fatale aux bestioles trop gourmandes que les parfums sucrés de l’ondulante tentatrice attirent comme des aimants : une guêpe approche, tourne un peu autour… puis goulument se pose en plein coeur de la fleur. Le breuvage est un régal, l’aubaine excellente. Elle ne voit pas se refermer sur elle comme de voraces mâchoires, la bonne trentaine de dents qui la condamneront à une lente agonie… Digérée, la guêpe nourrira la belle Dionée qui ne trouverait pas, sans cela sous ses pieds, les sels minéraux dont elle aurait besoin.

Ainsi va la vie de la belle Dionée, petite plante vulnérable qui se débrouille comme elle peut, avec des hivers qui descendent jusqu’à -10°C et des été à +35°C. 
Charles Darwin disait d’elle qu’elle est « l’une des plantes les plus merveilleuses au monde ». Sur un banc du jardin des moines de Thibirine, un après-midi ensoleillé de ce début d’automne en plein cœur de Paris, A. pensait exactement la même chose, un bon siècle plus tard.

Source : Wikipédia

Si vous aussi vous souhaitez participer au projet Fleurs d'exils, 
envoyez-nous vos récits par mail. 
Indiquez-nous le nom de la plante, le nom du pays 
ou de la région qu'elle vous rappelle et racontez-nous votre souvenir.


vendredi 29 septembre 2017

Fleurs d'exils accueille au jardin


Je vous l'avais présenté sur le blog du passage Beslay, le projet Fleurs d'exils a démarré officiellement le dimanche 24 septembre au Jardin partagé Truillot à l'occasion de la Fêtes des jardins et de l'agriculture urbaine.

Au programme de ce premier atelier : la venue de Chiara Mezzalama, journaliste et écrivain italienne et qui vient de faire paraître aux Editions des éléphants, Le Jardin de dedans-dehors, illustré par Régis Lejonc et écrit en français.
Chiara n'était pas là par hasard puisque nous conduirons ensemble une bonne partie du projet Fleurs d'exils.

Dimanche un peu avant 15 heures, Chiara s'est donc assise dans l'herbe avec un groupe de bambins et de parents. A mesure qu'elle racontait, les enfants s'approchaient, plus attentifs et plus intrigués. Elle nous a parlé des jardins, ces lieux paisibles où l'on se sent si bien que leur nom même évoque la perfection : le mot jardin ne vient-il pas de la langue perse où il signifie paradis ?

Chiara est italienne, elle vit le plus souvent en France mais elle a passé une bonne partie de son enfance en Iran, dans un de ces jardins clôts dont la Perse a le secret. Dehors, l'Iran s'abîmait en conflits.
C'est cela que Chiara raconte dans le Jardin du dedans-dehors, l'album Jeunesse qu'elle dédicaçait ce jour-là au jardin partagé, avec la Librairie la Tête ailleurs qui s'était délocalisée en plein air pour l'occasion.
Alors, pendant un moment, nous étions assis à l'ombre des platanes, dans le jardin d'un ancien prince perse de Téhéran. Dans les mots de Chiara, résonnaient son enfance, une amitié cachée par un jardin clôt, un pays lointain qui bruissait, des coutumes partagées… Là poussaient des fleurs d'exils que la petite Chiara respire encore aujourd'hui dans un jardin parisien et qu'elle nous a offertes en bouquet parfumé.


Ensuite, pendant que les musiciens jouaient et qu'on dégustait une salade de fruits solidaire, pendant que les enfants se dispersaient en courant dans la ronde du jardin, Demba avait fait tourné un cahier sur les bancs du jardin et une à une les pages se sont remplies.

Alors on a cueilli des épilobes, des amarantes, des dahlias, des ipomées et quelques roses. On s'est promenés sous les hêtres, les marronniers, les saules pleureurs et les tilleuls. On a pris le frais sous les oliviers portugais et les figuiers kabyles. On a respiré le parfum des aromatiques, mangé quelques cerises en grimpant à l'échelle de grand-mère et on a même observé l'attrape-mouche nord-américaine qui dégustait quelques invertébrés munis de deux paires d'ailes et de trois paires de pattes.

On vous présente ces premières fleurs d'exils bientôt.
En attendant, les infos sur le projet sont par .




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