jeudi 2 novembre 2017

La Belle époque à l'ombre de l'arganier (Maroc)




Bien avant de venir s’installer à Paris, F. a grandi dans un petit village de la région de Tafraout, dans le Petit Atlas marocain. «C’est le seul endroit de la planète où poussent les arganiers !», écrit-elle en retrouvant son enthousiasme enfantin, agitée par des souvenirs qui allument son regard. «Je vivais dans un petit village où tout le monde
se connaissait. Les femmes accomplissaient toutes les tâches lourdes
: elles s’occupaient des travaux des champs, devaient aller chercher l’eau qu’on puisait à 15 km du village… Les hommes, eux, travaillaient dans les villes.
Comme les autres femmes, maman avait l’habitude de se réveiller à l’aube pour aller cultiver notre champ. Comme j’étais encore petite fille, elle m’emmenait avec elle.

À chaque fois que nous sortions toutes les deux, j’appelais à voix haute « Bizmaoune  ! Bizmaoune  ! ». Bizmaoune était ma chèvre et ma meilleure amie. Nous étions inséparables et avons grandi ensemble. Elle portait le nom d’un grand chanteur berbère de l’époque dont toutes les femmes du pays étaient amoureuses à cause de ses chansons romantiques. Ma chèvre était célèbre dans tout le village parce qu’elle portait le nom
de ce chanteur.

Immanquablement, Bizmaoune venait à ma rencontre avec joie et se frottait contre moi pour me dire que je lui avais manqué. À mon tour, je lui faisais des caresses et des bisous.
Le chemin qui menait à notre champ contenait beaucoup de montées et de descentes
et ma mère me prenait sur son dos tandis que Bizmaoune gambadait sans difficulté
en nous suivant. En arrivant aux champs, ma chèvre et moi nous précipitions vers notre meilleur ami
: l’arganier. Bizmaoune sautait dans tous les sens pour manifester sa joie d’être là. De mon côté, je saluais mon arbre poliment avant de lui raconter par le détail tout ce que nous avions fait la veille, Bizmaoune et moi. 

Ainsi commençaient mes journées: Bizmaoune grimpait dans l’arganier et moi je restais
en bas, à jouer avec mon arbre et ma chèvre en bavardant sans arrêt, de tout et de rien.
Je leur racontais mes rêves et parfois même, je leur posais des questions. Bien sûr, l’arganier ne répondait pas et Bizmaoune se contentait de quelques « Maâ
! Maâ!»,
mais je ne me fâchais jamais et je croyais qu’ils me comprenaient. Tous les trois réunis, nous régnions sur la montagne
!


Aujourd’hui, chaque fois que je retourne dans cette région, je m’y sens à mon aise. Bizmaoune n’est plus là mais l’arganier n’a pas changé et je lui rends visite chaque
été pour ramasser ses graines. J’ai encore cette impression étrange qu’il me reconnaît
et qu’il est content de me revoir. Quelle belle époque
!" 

1 commentaire:

  1. Trop bien ce blog... et son titre porte à rêver de paix et de bien-être. Voilà un bel outil pour réparer le monde...

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